mardi 3 mars 2009

A propos de Préparation Mentale

Contribution aux réflexions de la lettre de l'INSEP n°117 "Questions vives et controverses autour de la préparation mentale" : http://sitemazer.campus-insep.com/lettres/117.pdf

Quelques éléments de réponses pour faire suite à l’intervention de Philippe Fleurance à propos de la préparation mentale. Prenant la position du praticien, je ne commenterai pas le côté explicatif et démonstratif de la nécessité de réinterroger la préparation mentale, notamment à partir de la question « qu’est-ce que le mental ». Il serait tout autant justifié de se poser les questions suivantes : « qu’est-ce que l’action ? », « qu’est-ce que le corps ? », « qu’est-ce que le monde ? ». Je n’entrerai donc pas dans ce débat là.[1]

Personnellement, je ne reconnais pas ma pratique dans la présentation d’une préparation mentale réduite au développement des habiletés mentales. Et comme bon nombre de praticiens (entraîneurs et/ou « préparateur mentaux »), l’évidence du terrain nous pousse à être de plus en plus sceptique vis-à-vis d’une conception par trop « mécaniste » de la performance et cela d’autant plus dans le champ du mental. Nous avons bien sûr un héritage culturel explicatif de ce phénomène actuel : celui de la prépondérance de la psychologie cognitive dans la préparation mentale que nous pouvons brièvement résumer aux schémas de pensées dualistes hérités de la logique Aristotélicienne et à la logique rationaliste et cartésienne héritée de Descartes.[2] Pourtant, il y a déjà plus d’un demi-siècle que des « penseurs » nous invitent à vivre le monde autrement qu’au travers des lunettes du dualisme et de la rationalité.

Pourquoi ce petit détour ? Toutes proportions gardées, j’aime à comparer la démarche de la préparation mentale avec celle de la médecine. Même si la médecine occidentale s’est élaborée grâce aux avancées scientifiques, force est de constater que des médecines traditionnelles, du fait de leurs efficacités constatées, à défaut d’être prouvées, sont de plus en plus intégrées dans les modes opératoires des médecins (acuponcture, ostéopathie, hypnose…). Il n’est pas indispensable de tout comprendre, ou bien d’attendre de comprendre comment ça fonctionne en vérité, pour produire du changement dans le sens d’une amélioration des conditions initiales (but de l’entraînement ?).

Donc, par une autre voie que Philippe Fleurance, celle des exigences du terrain (efficacités observables à court ou à moyen terme), je le rejoins complètement dans son constat en forme d’interrogation : « on peut donc se demander si l’approche « standard » actuelle de la préparation mentale est satisfaisante tant du côté de la modélisation du mental que des pratiques qu’elle génère. » Il est intéressant de noter que, dans le champ des psychothérapies, toutes les notions présentées par Philippe Fleurance sont déjà, depuis plus d’une trentaine d’année, au centre du débat et des pratiques.

Pour ma part, et c’est là l’objet de ma réponse, je tenais à présenter et partager le modèle que j’élabore pour m’orienter dans ma pratique de la préparation mentale (au sens le plus global, c'est-à-dire dépassant la seule prise en compte des habiletés mentales) : voir la figure suivante. Ce modèle permet de mettre en lien huit paradigmes indispensables à la prise en compte de la demande de « réussite » de l’individu sportif, afin de l’accompagner le plus individuellement possible et le plus efficacement possible. Ce modèle me guide également dans l’élaboration d’une démarche de formation et d’appropriation de la préparation mentale que je propose aux collègues entraîneurs. Je ne suis pas en capacité, par l’espace et le temps de rédaction de cette réponse, d’expliciter plus amplement l’intérêt du modèle autrement que par sa seule figuration. D’autre part, l’exploration de tous les liens et espaces entre les huit paradigmes principaux, afin de constituer un corpus de savoirs, savoir-faire, savoir-être et de démarches d’intervention, peut n’être jamais abouti.[3]


Figure 1 : l’octogramme de la préparation mentale

D’autre part, comme « systèmes d’aides à l’action contextualisée », et pour définir un cadre d’intervention, je propose d’identifier les zones du problème et/ou de la demande par rapport à l’objectif de réussite/accomplissement/victoire. L’identification des zones d’intervention (dans les relations et/ou les objets) permet de définir où se situe le problème, qui fait partie du problème et de déterminer la personne la plus apte à apporter une « solution » (ou celle qui renforcerait le problème). L’identification des zones d’intervention possibles oriente également le choix des approches.


Figure 2 : Le cadre d’intervention

Mais toutes ces réflexions ne sont que des mots ! Faire, s’entraîner à faire faire avec des outils concrets de préparation mentale, et ne faire appel à la compréhension des mécanismes uniquement lorsque le besoin s’en fera sentir : voilà la démarche des formations et interventions proposées par l’Unité de Préparation Mentale du CROPS[4] au CREPS PACA site d’Aix-en-Provence. Donner des clés afin d’intégrer au quotidien la préparation mentale dans les séances d’entraînement.


[1] Pour les plus désireux d’entre nous il existe une excellente et récente thèse de Yannick Vanpoulle qui propose un vaste tour d’horizon sur la question du « corps, conduite motrice et connaissance » (Doctorat d’épistémologie, octobre 2008).
[2] Cet héritage est encore aujourd’hui un frein pour beaucoup d’entre-nous, pour preuve les traductions françaises tardives, et souvent ignorées, de grands penseurs anglo-saxons qui dépassent ces freins culturels, comme F. Korzibski (écrit datant d’avant 1945 et traduit il y a peine plus d’une dizaine d’année) et Ch. Peirce (écrits datant du début du siècle derniers et traduit seulement à partir de 2002).
[3] Cf. principe de récursivité
[4] Centre Ressource d’Optimisation de la Performance Sportive, http://www.crops.fr/

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